Bon, faut bien que j’y passe. Pour comprendre comment on peut en arriver là, même si c’est sûrement une voie comme une autre, voilà mon histoire telle que je m'en souviens, avec sûrement des trous, mais heureusement j'écrivais pas mal à l'époque ce qui me permet de retracer un peu tout ça.
Petit flash back. En novembre 2005, je sortais d’une semaine de bénévolat assez intense sur un festival de cinéma et je rentre donc chez moi me reposer tranquillement l’après-midi. Une connerie à la télé, et d’un coup, palpitations, mains moites, l’impression d’étouffer, tremblements dans tout le corps. Première pensée : "Je vais mourir."
J’arrive quand même à appeler mon copain complètement en stress. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé entre l’appel et son arrivée mais ça m’a semblé être une éternité. Il arrive, me voit et appelle le SAMU. « Bah c’est une crise de spasmophilie, faut qu’elle respire dans un sachet plastique, bonne journée ». Hein quoi ? Une quoi ? Ok je respire dans ton putain de sachet. Bon j’admets, la crise passe. Vidée de mes forces, je me calme, et m’endors.
Les jours et semaines passent, rien ne se passe. J'oublie. Et en janvier, de nouveau une crise plus forte. Je reprends mon p'tit sachet, mais j'étouffe à respirer là dedans.
Les crises sont encore irrégulières mais je sens des choses bizarres m’arriver. Je supporte plus la lumière, les bruits. J’ai mal partout. Et surtout le truc le plus horrible de tous, le sentiment de déréalisation. C’est comme de vivre dans un rêve, on a l’impression de plus connaître les visages, les endroits familiers, de marcher à côté de soi-même. D’autant plus déstabilisant que je n’avais, à l’époque, aucun mot à mettre sur tout ça.
J’étais en deuxième année de master à l’époque. Je commence à flipper d’aller en cours, d’aller dehors, et finalement, d’être chez moi. Moins je comprends ce qui m’arrive et plus je flippe, et plus je flippe, et plus je fais des crises d’angoisse.
Je débarque donc un jour chez mes parents, et j'annonce à ma mère que je suis folle. C'était sans doute aucun pour moi. Y avait pas d’explication rationnelle à ce que je vivais. Ma mère panique, évidemment, direction les urgences. Et là, début du cauchemar. Une heure d’attente, cinq minutes d’entretien avec un psy qui en gros me dit que j'ai peur (sans déconner !!!) et que les petites pilules de Xanax vont m’aider.
Euh ok.
Première anecdote de ma poisse avec la médecine en passant. J'arrive à la pharmacie de garde avec ma maman vers 22 heures. Et là, le pharmacien complètement bourré commence à délirer sur le fait que le Xanax sert à rien et que je ferais mieux de partir au ski, au grand air, blablabla avec son haleine puant la gnôle. Après un "Mais ta gueule" je repars avec les pilules magiques.
J’ai un souvenir assez flou des jours suivants, je suis défoncée, mais je retourne chez moi. La situation se dégrade rapidement. J’ai l’impression de devenir complètement dingue, je ne peux plus dormir, je ne mange plus, je passe mon temps à trembler, à ne plus réussir à respirer (enfin, en avoir l'impression), je ne peux plus bouger de mon lit, je me sens dans une complète insécurité.
Je ne peux plus sortir seule de chez moi, je ne peux absolument plus rien faire à part rester allongée dans mon lit, complètement glacée sous la couette.
Mon entourage flippe évidemment, essaie de me rassurer, de comprendre mais ils ne me reconnaissent plus, ils sont comme moi, face à un mur infranchissable d’incompréhension.
Et là commence mes allers-retours aux urgences chaque jour, avec mon chéri qui me porte jusque là-bas parce que je ne peux plus marcher. Une fois à l'hôpital, je me sens mieux. En sécurité. On me fait des analyses de sang, des électro cardiogrammes, une IRM et on me laisse partir avec de nouveaux médocs. Je rentre, je flippe, je dors, je me réveille, et la nuit, c'est SOS médecins. Que j’attends des heures sur mon canapé, sans pouvoir bouger, avec la tête en mille morceaux. Et même chose que le jour : "Oh bah dis donc vous n'avez pas l'air bien, allez une p'tite piqûre de tranquillisant ça va passer".
Évidemment, pendant ce temps, j’essaie de trouver des psychiatres, mais la liste d’attente est longue. Je me retrouve à parler à des choses pas vraiment humaines, qui JAMAIS ne me disent ce que j'ai. Je sais pas quelle formation ils reçoivent en médecine, mais bordel, ils sont surentrainés dans l'indifférence. "Parlez-moi de vous… Ha... Votre père est parti quand vous étiez encore un bébé? Ha... Vous avez donc un complexe d’Œdipe qui n'a pas pu s'effectuer, etc". Oui, merci, j'ai lu Freud, Lacan mais là non, c’est juste que je souffre, voyez ?
Bah non.
Ce petit jeu dure deux à trois semaines avant je me retrouve dans la nuit dans un centre d’accueil psychologique dont la description est : "Centre d’accueil permanent et de thérapies brèves. 24h/24h - 7 jours sur 7 - écoute, orientation, information, consultations..."
"Vous avez une famille, un ami, un appartement, de quoi vous plaignez-vous? Vous n'avez pas de problèmes, rentrez chez vous" me dit le psychiatre de garde. Et re pilules. "Non vous pouvez y aller, prenez en 5 ou 6" continue-t-il gaiement.
De retour chez moi, j'en peux plus. Je décide de me faire interner dans un hôpital psychiatrique. Complètement à bout de force, et persuadée d'être tarée, j’appelle donc SOS médecin au milieu de la nuit qui, en 5 minutes chrono (encore!), me signe un formulaire d’admission.
Sympa pour les parents et le copain qui sont à leur tour persuadé que je suis folle, et que l’internement est la seule solution. Me voilà donc, avec la famille en pleurs, en route pour l'hosto.
A suivre.
(Ha oui cet épisode de House M.D., dont la vidéo au début du post est le générique, est juste fabuleux, au passage)