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samedi 9 octobre 2010

Merci!

Dis donc, ça fait bizarre d'avoir d'un coup plein de gens sur ce blog et plein de commentaires super gentils. Merci à tous, je pense qu'il faut que je commence par là, parce que ça m'a vraiment donné une raison supplémentaire pour réussir ce "god damned" sevrage!

Être lue, soutenue, comprise c'est un des points essentiel du sevrage, c'est aussi ça qui permet à la motivation de ne pas flancher.

J'ai eu quelques questions concernant les crises d'angoisse mais je ne peux pas répondre. Non que je  ne veuille pas mais c'est très difficile de se mettre dans la tête de quelqu'un d'autre pour savoir comment gérer cela, vu que chaque expérience est très différente. Cependant, je dirais, de ce que j'en ai observé, que nous, angoissés, avons un gros souci avec l'idée de lâcher prise et d'accepter le changement. Nous le voyons souvent comme une menace (ce qui rejoint un peu mon article précédent) ou un renoncement au lieu de le voir comme une possibilité de reconstruire.

Bizarrement, il suffit parfois d'ouvrir les yeux, d'observer, de faire les bonnes rencontres, de laisser le hasard faire les choses pour nous au lieu de vouloir tout contrôler pour se sentir bien. Je vais citer Grey's anatomy (oui, on a les références qu'on peut...) mais cet extrait m'a marqué car tombé exactement au moment précis où je cherchais les mots pour décrire ce que je ressentais :

"Quand on dit des choses du genre : "Les gens ne changent pas", ça rend les scientifiques dingues... Car le changement est littéralement la seule constance en science.

L'énergie... La matière... Tout change, se transforme, se mélange, grandit, meurt. C’est le refus du changement qui est contre-nature. Notre façon de s’accrocher aux choses au lieu de laisser aller, de se raccrocher aux vieux souvenirs au lieu d’en créer de nouveaux, notre manière d’insister pour croire, malgré toutes les preuves scientifiques, que tout dans notre vie est permanent.

Le changement est constant. Comment on l’expérimente, c’est à nous de voir. Ça peut ressembler à la mort ou à une deuxième chance de vivre.

Si l’on ouvre nos doigts, qu’on lâche prise, qu’on se laisse aller alors on peut le sentir comme de l’adrénaline pure. Comme si à chaque moment on pouvait avoir une autre chance de vivre. Comme si à chaque moment, on pouvait toujours renaître."

Non, ce n'est pas naïf. Tout change. Tout bouge. Notre capacité d'adaptation est la seule chose qui nous permet s'y faire face, mais encore faut-il que nous souhaitions nous adapter. Je dirais que j'ai commencé à ne plus faire de crises d'angoisse ou d'attaques de panique à partir du moment où j'ai accepté que je n'avais  aucune emprise sur elles et que me répéter qu'il fallait que je contrôle ne donnait que l'effet inverse.

Je sais, c'est facile à dire. Avoir l'impression de mourir, que nous allons nous écrouler physiquement, que nous n'avons aucun contrôle sur la manière dont notre corps réagit, d'avoir le sentiment d'être dingue est insupportable. Mais au final, a-t-on déjà vu quelqu'un mourir d'une attaque de panique? Non.

Alors si la crise vient, laissez la venir. De toute façon, elle est déjà là, c'est trop tard. Et acceptez là, comme un bout de vous. Oui, elle est douloureuse mais à quoi sert de lutter quand on sait que la lutte est le meilleur moyen de la rendre plus forte?

Ok, elle est là. Elle partira. Et ne pas lui laisser de prise est le seul moyen de la voir revenir moins souvent. S'il y avait une formule magique ou des médicaments efficaces, on irait tous bien. Accepter, lâcher prise, c'est le seul conseil que les angoissés ne veulent pas entendre et qui est pourtant efficace. 

Alors courage à tous.

PS : D'ailleurs en parlant de changements, le blog fait peau neuve!

dimanche 26 septembre 2010

Résilience



La capacité de résilience, en physique, est la capacité d’un corps à résister à la pression et à reprendre son état initial.

En psychologie la résilience est la capacité à surmonter un traumatisme ou un choc traumatique. C'est-à-dire la capacité à sortir de la "dépression" pour vivre de nouveau. Acceptation, adaptation,  instinct de survie, surmonter, avancer... sont probablement des synonymes ou des parties prenantes de cette capacité de résilience.

Considérant que nous sommes avant tout matière, en toute logique, la capacité de résilience me semble innée et fait donc partie de chacun de nous. Cependant, comme toute capacité, elle peu taussi se développer, j’y reviendrais par la suite.

En psychologie serait définit  comme un choc traumatique un choc considéré comme "grave" tel qu’un viol, un deuil, l'inceste, etc. Je pense que nous pouvons appliquer la notions de chocs traumatiques à tous les éléments de la vie et que nous en subissons chaque jour : contrariétés familiales ou professionnelles, disputes, séparation, violences subies, etc. et que nous les encaissons souvent sans nous en rendre compte justement par notre capacité de résilience. Celle-ci dépend en partie de notre vision du bonheur, d’une part, et de l’importance accordée aux éléments extérieurs perturbateurs  d’autre part, qui peuvent influer sur notre "bonheur".  Je mets ce mot entre guillemets car cette notion n’est définissable que subjectivement, rapportée à notre vécu.

Donc notre capacité de résilience peut s’étendre par la connaissance de soi-même. Lucia Etxebarria, dans son livre Je ne souffrirai plus par amour  prend l’exemple de sa fille pour illustrer le concept de résilience. Celle-ci apprend à marcher et tombe. Si elle n’avait pas en elle cette résilience, elle n’aurait jamais appris à marcher puisque elle serait tombée et n’aurait plus essayé de nouveau. Notre capacité à être debout, au sens propre comme au figuré, dépend donc de notre capacité à s’adapter aux changements qu’induisent obligatoirement la vie puisque bon, ne nous leurrons pas, rien n’est figé, ni éternel (et tant mieux !).

Les changements causés par un trauma peuvent donc être vécus de manières très différentes, selon ce que nous avons vécu au préalable dans notre vie et la façon donc nous voulons qu’ils soient vécus. Chaque changement s’accompagne d’une phase de deuil (avec  ses différentes phases dont je choisis ici celles qui me semblent les plus pertinentes) :

1. Le choc
2. Le déni
3.La colère
4. La négociation
5. La tristesse
6. L’acceptation

La capacité de résilience se situerait dans l’acceptation et après.

C’est notre aptitude à surmonter ce deuil ou trauma (au sens large, accepter qu’une partie de soi meure pour renaître) afin de continuer à vivre, et surtout, vivre de nouveau différemment en mieux.

Je ne dis pas qu’il n’est pas nécessaire ou anormal de passer par ne phase de dépression face à un changement brutal mais il faut pouvoir la surmonter pour vivre. La résilience existe d’ailleurs également dans le domaine de l’écologie, c’est la possibilité d’un écosystème ou d’une espèce à s’adapter à un changement brutal, on en revient donc à la même chose : marche ou crève.

Oui, c’est brutal mais pourtant probablement une des seules vérités existantes. Oui mais comment faire ? Là encore, pas de "Guide en 10 leçons de la capacité de résilience", c’est avant tout un parcours, bon, un chemin de croix à franchir afin de s’affranchir, justement, des poids de l’existence qui nous empoisonnent.

Je prendrai mon exemple personnel afin d’illustrer cela. Je n’étais pas heureuse dans ma vie il y a encore quelques mois. Pour une multitude de raisons qui finalement reviennent à la même chose : ma vie ne correspondait pas à ce à quoi j’aspirais. Je ne sais toujours pas ce que je veux d’ailleurs, mais je sais ce que je ne veux plus. Donc la première chose à faire est renoncer.
Renoncer, laisser partir, lâcher prise. Ce n’est pas forcément négatif que de renoncer à ce que l’on sait et ce que l’on a identifié néfaste pour soi. Une relation amoureuse, une relation amicale, un emploi… A partir du moment où la cause de "je ne suis pas heureux" est reconnue il convient d’y remédier ou de se faire une raison et de vivre sa vie sans choisir.

La renonciation, dans mon cas d’une rupture amoureuse, s’accompagne d’un tas de paramètres que l’on ne peut prévoir. Il ne s’agit pas seulement de renoncer à l’autre et à sa relation mais à l’ensemble des bases communes construites. Autant dire un saut dans le vide et l’inconnu. C’est renoncer à ce que j’étais en tant que couple pour exister en tant que personne indépendante et donc en tant qu’individu.

C’est donc dire au revoir à des schémas ancrés, des amitiés, des habitudes, un mode de vie et recommencer. C’est difficile. Nous sommes accrochés à ce qui nous est familier car c'est rassurant. Mais rassurant ne veut pas dire pour autant bénéfique. Donc accepter que la douleur ne soit pas une douleur insurmontable mais une douleur nécessaire et temporaire que constitue tout deuil constituerait ma deuxième phase.

On peut souffrir. On peut avoir mal, très mal même. Mal par déception, par manque, par regret, ou sans raison. La rééducation psychologique ne peut se faire dans la douceur au même titre que la rééducation physique. Elle exige de remettre en cause ce que l’on pensait vrai, immuable et donc de se remettre en cause. Je n’invente absolument rien, Platon dans L’allégorie de la Caverne explique il y a des siècles que la connaissance demande efforts, volonté et passe par une phase de violence faite à soi-même.

La capacité à accepter que la douleur est partie prenante du processus de résilience est un pas donc vers l’apaisement de cette douleur.

Suite à la douleur vient la phase de réapprentissage. Réapprendre à vivre différemment, seul et pour soi surtout. La principale erreur pour moi constituerait à refaire non pas des erreurs mais les mêmes erreurs.

C'est-à-dire, dans mon cas, quitter un cocon sécurisant pour en retrouver un autre immédiatement (j’ai essayé c’est voué à l’échec pour peu que l’on accepte que notre schéma précédent nous rendait malheureux), construire des relations sur la base de ce que l’on était et non de ce que l’on est, vivre dans l’illusion du changement sans pour autant  avoir remis à zéro ses compteurs.

C’est ce que j’observe souvent autour de moi. Ce phénomène est assez facilement identifiable quand par exemple, on se rend compte que l’on veut faire vivre à l’autre ce que l’on a vécu, lorsque l’on considère que la souffrance subie ne peut trouver réparation que dans la souffrance infligée, que celle-ci sera similaire et qu’il y aura alors réparation du "mal" commis. Or, c’est une grossière erreur puisque la souffrance donnée volontairement ne fait qu’entretenir la relation de dépendance (à ses schémas, à l’autre…) et ne fonctionne que s’il y a une capacité à faire souffrir l’autre, c’est à dire que l'autre donne des prises pour accepter de souffrir.

Si vous en êtes là, une seule chose à faire : dire non. Et donc retour à la première phase : je reconnais ce qui me fait souffrir donc je renonce, etc., etc.

La reconstruction exige également de s’imposer. "Je suis moi, j’existe et je sais ce que je vaux". Et n’importe qui tentant de s'immiscer dans ce processus doit simplement disparaître. Non je ne recommande pas l’utilisation d’un fusil à pompe, quoique ça peut défouler mais vous risquez de vous exposer à quelques petits problèmes judiciaires par la suite.
Dire "Non", "J’ai pas envie" voir "Je vous emmerde"est probablement le plus grand service que nous pouvons nous rendre parfois pour se débarrasser des parasites qui seront toujours existants. Et si on a traversé tout ce chemin de renoncement, de douleur et d’acceptation ce n’est certainement pas pour aller recommencer à s’encombrer de connards et connasses en tout genre, de poids morts, de trucs qui ne servent à rien. NON.

Une partie de notre entourage acceptera le changement. Une autre non. Elle jugera sans connaître, sans essayer de comprendre, avec ses œillères puisque notre propre changement les renverra à eux-mêmes et leur incapacité à changer justement. Dans ce cas, hop, poubelle.

La mauvaise nouvelle c’est que nous allons devoir faire face aux déceptions en tout genre. La bonne nouvelle c’est que nous aurons fait un ménage qui nous servira pour le reste de la vie et que les déceptions ont moins de chance de se reproduire.

"Depuis le fond de mon exil je vous pisse à la raie bien tranquille, là-bas, ne m’en veuillez pas". Je pense que cette phrase résume assez bien ma capacité de résilience du moment.

Sans forcément de haine ou de colère, je répète, mais simplement être dans une optique de mouvement, d’avancée sans entrave en se basant sur une lucidité retrouvée.

samedi 3 juillet 2010

Summertime

Janis chante Summertime, une retraite de quelques jours au calme et au soleil, barbecue et lecture, que demandez de plus? Ha oui, mettre son cerveau au frigo, à côté des bières.

Pourquoi faire mal aux gens, ou plus exactement comment en arrive-t-on là?  Voilà ce qui me trotte dans la tête depuis plusieurs jours. 

La plus évidente façon est de vouloir faire mal de manière intentionnelle. La plus évidente mais pas forcément la plus simple. Parce que faire mal implique de savoir où "taper" pour que ça percute, avoir une prise, une plaie dans laquelle s'immiscer. Et puis, au fond, pourquoi le faire? Qu'est ce qui nous motive à vouloir blesser? Un instinct primaire de vengeance, de justice par soi-même, le bon vieux "œil pour œil, dent pour dent"? Probablement, la volonté de se défouler aussi. De ne plus subir, de trouver un sentiment d'égalité ou au moins une satisfaction d'exister, parce que faire mal, c'est faire réagir.

Mano Solo chantait : "Si tu m'avais demandé, moi j't'aurais dit que dans la vie, c'qui compte c'est pas l'issue mais c'est le combat, c'est le combat, qu'il faut rendre ce que tu reçois, les mauvais coups comme les plus bas parce que rien que la beauté du geste te donne raison sur ce que tu détestes."

Oui, je pensais aussi, et je le penserai encore surement. Parce que courber l'échine, fermer les yeux et sa gueule, ça va un moment jusqu'à ce qu'on craque. Bon, cela dit, c'est souvent tellement futile qu'on se sent juste très con avec sa colère et sa haine, qu'on a déversé, mais on s'en rend compte toujours trop tard. Une fois que c'est fait et qu'on a fini par se faire plus mal aux poings qu'au mur en face.

Le plus couramment, on fait mal sans s'en rendre compte, sans mesurer l'impact d'un mot ou d'un geste. Et là c'est l'effet inverse. Trouver la faille et y appuyer sans le vouloir. Là aussi on se sent con, mais en plus, on culpabilise. 

Qu'est ce que j'aurais pu, du, faire pour que les choses soient différentes? Est-ce que j'aurais pu éviter de faire mal? Comment et surtout, à quel prix? Qu'est ce que je peux faire maintenant? Est-ce que je peux réparer? Oui, mais si je répare est ce que je ne fais pas pire que mieux? Et quelle est finalement notre part de responsabilité dans tout ça?

Est-ce que faire mal non intentionnellement parce qu'on ne comprend pas l'autre ou qu'on ne peut lui donner ce qu'il attend fait de nous de vilains méchants? Jusqu'au où doit-on protéger l'autre? Quel est notre rôle là-dedans? Oui, beaucoup de points d'interrogation, mais j'ai beau retourner ça dans tous les sens, je ne trouve que trop peu de réponses. 

Ce qui nous amène au "mal nécessaire". Celui qu'on fait pour ne pas mentir. Celui-là est le plus pernicieux, excuse valable à tous les coups. 
- "Et pour la petite dame, qu'est ce que ce sera?'
- "Oh bah une douzaine de "Je te blesse mais c'est pour ton bien, tu comprends?""
- "C'est parti"

Sauf que là c'est le comble de l'hypocrisie. On en fait pas un mal nécessaire pour être honnête mais pour se protéger et jusque parce que, égoïstement, on a décidé que soi était plus important que l'autre. Bien sûr, c'est recevable. Parce qu'on va pas non plus régir sa vie en fonction du mal que l'on fait et que des choix doivent s'imposer parce que son bonheur passe avant tout, ou du moins, le sentiment que l'on sera plus heureux comme ça. 
On peut réparer ça? Non. On choisit, on assume, mais on ne peut être à la fois bourreau et infirmier, porter les coups et les caresses qui apaisent. On se plante devant sa glace, on se dit qu'on est dégueulasse mais que c'est mieux, pour NOUS, comme ça et on ferme sa gueule. Parce que pour l'autre, c'est pas mieux comme ça, pour lui, ça changera rien, il souffrira quand même. Et notre petite souffrance coupable, notre souffrance du renoncement, notre souffrance de voir souffrir, à côté, c'est rien.

La seule chose qui reste à faire? S'excuser. Juste s'excuser. Sincèrement. Ça ne soignera rien, ça n'apaisera ni l'autre, ni soi, mais j'ai pas trouvé mieux. Donc je vous présente mes excuses, à ceux qui se reconnaitront.

samedi 26 juin 2010

Day 134

Je ne pouvais quand même pas laisser un mois d'été sans billet, même si la motivation m'a un peu quitté dernièrement. Manque d'habitude, laisser-aller, envie de penser à autre chose... Je ne sais pas trop.

Mon sevrage continu d'avancer, bien même. Je pense que, étrangement, c'est la seule chose fiable et stable dans ma vie en ce moment et je la garde donc très précieusement.

J'en suis à 55 gouttes, bientôt la moitié, je ne suis plus impatiente, pas résignée non plus, sûre de moi. J'en vois le bout, je sais que d'ici quelques mois ce sera loin derrière, et que, quoiqu'il arrive, j'y arriverai. C'était sûrement le pire et meilleur moment pour commencer à se sevrer, parce que finalement on ne peut jamais tout contrôler, tout prévoir et qu'il faut s'adapter. Une fois que j'ai compris que je n'avais plus besoin de médicaments pour vivre, tout est soudain devenu plus clair. Je ne dis pas que c'est tous les jours facile, qu'il n'y a jamais de moments où je n'ai pas envie de reprendre de Temesta, où je ne me sens pas angoissée, mais je n'en ai plus besoin. 

J'ai relu Desproges récemment, oui, ça reste ma thérapie, et une phrase m'a frappé : "La caractéristique principale d'un ami est sa capacité à vous décevoir". Ça m'a semblé tellement évident et juste que je ne sais pas comment j'ai pu passer à côté jusqu'à présent. Je ne pense pas qu'il y ait  cependant une once de cynisme dans cette phrase, ni dans mes pensées. 

C'est simplement la chose la plus humaine qui existe. Je suis terrorisée à l'idée de décevoir les gens que j'aime, mes amis, ma famille, les gens pour qui j'ai de l'estime que ça en vire parfois à l'obsession. Mais après tout, comment composer entre son soi et son image, entre sa vie et celle des autres, entre ses actes et la façon dont ils peuvent être perçus? J'ai beau retourner le problème, c'est une équation insoluble, il y a forcément des dommages collatéraux à un moment ou à un autre, nécessairement un jugement, des sentiments qui s'en mêlent et s'emmêlent et la raison qui fout le camp.

Est-ce parce que l'autre, cet ami, n'agit pas comme on le voudrait ou ne dit pas les mots attendus qu'il faut pour autant considérer que la solitude est la seule issue? Ou alors qu'il n'est pas un "véritable" ami et qu'il faut donc s'en séparer comme un chien sur l'autoroute le jour du départ en vacances? Non.

La capacité de déception fait partie du jeu de la confiance qu'on accorde, fait obligatoirement partie des choses qui s'installent après des années de vie commune, car on doit dépasser la raison pure et dure et accepter qu'un ami s'inquiète, s'énerve, juge, ne comprenne pas puisque, avec un minimum de recul, j'agis de la même façon. Ce n'enlève rien à la blessure, au mal qui peut être ressenti, mais c'est peut-être une preuve d'amour quelque part. Rien n'est jamais aussi complexe que les relations humaines car il y règne une incompréhension bordélique sans bornes.

Alors, amis de tout bord, je suis déçue mais je vous aime.

Et pour ne pas finir sur une note trop "bisounours", tout le monde à une capacité de déception assez développée, sauf que les autres, je m'en fous. Vous pouvez y aller au marteau-piqueur, j'ai encore de la marge :)

jeudi 20 mai 2010

Day 97

Bon je suis de mauvaise humeur donc on fera court.

Bientôt 100 jours de sevrage et c'est long. Écrits du concours ratés à quelques dixièmes de points , ce qui m'a un peu blasé, et même si je le repasse en septembre, je rage.

Ruminations diverses et nombreuses, inactivité, décalage horaire, trop de cigarettes, trop de thé, et un gros raz-le-bol des médocs. Est-ce que si je les avais pas pris j'aurais passé ce concours ? Si j'étais pas en sevrage, je l'aurais réussi ? Ou je me trouve des excuses ?
Je sais plus trop, va me falloir le temps de digérer tout ça, ainsi que cette année 2009/2010 euh, comment dire, riche en rebondissements? Oui, restons positifs, ne disons pas riche en emmerdements ;)
Bah non justement. J'ai pas envie d'être positive. Ce qui m'amène au truc que je voulais dire, plus à moi même qu'à vous d'ailleurs : "J'ai le droit d'aller mal !".

Non mais c'est vrai quoi, faut vraiment toujours sourire, avoir la pêche et le dynamisme au coin des lèvres jusqu'à s'en décrocher la mâchoire ? Faut pas avoir envie d'envoyer chier la Terre entière simplement parce qu'elle existe ? Ni les gens qu'on aime parce qu'on les aime et qu'ils ont rien fait pour mériter ça ? Ni pleurer au fond de son lit en se noyant dans son vomi, parce que ouais, c'est pas très constructif, mais ça soulage ? Ou d'avoir juste envie de rien foutre en regardant le plafond parce qu'il est vraiment très intéressant ?

Si! Je revendique mon droit à ne pas aller bien, à faire la gueule, à craquer, et à gueuler. Y en a marre de toujours vouloir ou devoir (se) prouver qu'il y a plus grave, que c'est pas "la fin du monde" (le prochain qui me sort ça, je lui ampute la langue, il est prévenu...), que ça va s'arranger.

Non, faut donner l'apparence "que". Faut donner le change, rester dans son rôle, surtout pas faire tomber le masque de l'attitude """"""""adulte et responsable""""""".
Biens heureux, béats, optimistes irréductibles, foutez moi donc la paix un peu, laissez moi être puérile et nulle, injuste et égoïste, et laissez mes souffrances tranquilles. Elles ne vous ont rien demandé.

Elles ont aussi besoin de s'exprimer, de sortir et de pas être gentilles. Elles ont aussi le droit de prendre le dessus parfois sans que je sois cataloguée comme déprimée ou que je passe du côté obscure de la force éternellement. Voilà, c'était le coup de gueule de la nuit.

Bon hormis ça, le sevrage se passe. Même bien dans l'ensemble. Il finit par faire parti de mon quotidien petit à petit, j'ai diminué de 4 gouttes cette semaine et pas de symptômes si ce n'est encore et toujours ces foutues insomnies (que je ne fais, faut bien le dire, rien pour arranger).

Et puis pour terminer, une chanson triste, na!

vendredi 7 mai 2010

Day 84 - Sevrage commencé!



Un mois sans nouvelle, un peu long, mais j'étais en pleine préparation de concours et en phase de stabilisation.

Je me lance d'ailleurs des fleurs, parce que même si je n'ai pas ce fichu concours et malgré les médicaments, j'ai rien lâché, j'ai réussi à bosser comme une dingue sans rien changer au protocole de sevrage. La phase de stabilisation est évidemment la plus facile puisqu'elle consiste à rester aux mêmes doses durant 4 semaines, le corps est donc habitué. 

Ensuite, j'ai vraiment vu ma mémoire s'améliorer. Je pense que c'est du à deux choses. Premièrement, le changement de molécule, puisque le Temesta est probablement la pire qui soit, et que le Lysanxia me donne beaucoup moins d'effets secondaires. Deuxièmement, parce que la mémoire se travaille. Je tiens donc à dire que j'emmerde d'une force incommensurable ces psychiatres qui m'avaient affirmé que j'avais perdu mes capacités, probablement sans pouvoir revenir à mon niveau "normal", ou du moins pas avant quelques années... C'est faux et archi-faux!!! 
Le cerveau se stimule, comme n'importe quel muscle, et les récentes études tentent à montrer que les connexions entre les neurones continuent à s'effectuer en dépit des médicaments (qui en gros, se fixent sur les récepteurs). La seule chose qui importe c'est donc de la faire travailler. Médicaments ou non. Et croyez moi, j'ai testé pendant des semaines!

Ensuite j'ai commencé mon sevrage lundi comme prévu. Au niveau des doses j'en étais, durant la phase de stabilisation à  26 gouttes le matin - 26 gouttes le midi - 30 gouttes le soir, soit 82 en tout. 
Le protocole de sevrage que je suis préconise une baisse de 10% des doses prises toutes les une à deux semaines, soit dans mon cas environ 8, puis 7, puis 6, etc. Il est cependant bien précisé que cela doit être adapté à chaque cas et que seuls les patients savent gérer les doses de diminution. J'ai donc commencé avec une baisse de 6 gouttes soit: 23 gouttes le matin - 23 gouttes le midi - 30 gouttes le soir.

Bon j'ai p'tet débuté un peu fort, parce que c'est pas la super forme. La journée, ça va, pas de crises d'angoisses, ni de symptômes de manque, le souci est la nuit. Difficultés à m'endormir, cauchemars, transpiration excessive, sommeil agité. Et le matin, un léger manque. Le changement de rythme de vie soudain par rapport aux dernières semaines n'aide sûrement pas (décalage de mes heures de sommeil, travail moins intense, stress dans l'attente des résultats...) mais je pense aussi que j'ai voulu aller trop vite, pressée comme d'hab' de m'en débarrasser rapidement!
Donc je vais attendre que mon corps s'apaise, prendre de nouveau rendez-vous avec mon hypnothérapeute, et ensuite faire une diminution de 4 gouttes à la fois. Je suppose qu'il faut que je trouve le bon rythme, ce qui n'est jamais évident au départ.

Enfin, en tout cas, là encore, contrairement aux idées reçues, un programme de sevrage lent est tout à fait tenable et viable donc courage à tous! Testé et approuvé :)

jeudi 11 mars 2010

Libération




Voilà pour la suite de mon histoire, après la sortie de l'hôpital.

De retour chez moi, aussi démunie,  je ne sais pas si je vais mieux mais je me sens soulagée d'être partie, libérée. Je ne suis pas pour autant sortie de mes angoisses, bien au contraire. Je suis sous antidépresseurs et sous anxiolytiques, et je me sens salement démunie. J'ai toujours aussi peur de sortir, de voir des gens, de tout en fait. La moindre chose, me lever, manger, me laver est une épreuve. Je ne peux plus rien faire sans que ces attaques de panique me prennent aux tripes. Alors une nuit, je craque.

Je prends des médicaments bien plus que je n'aurais du. Je ne voulais pas mourir mais simplement que les angoisses s'arrêtent. Évidemment, difficile à expliquer, et encore plus d'être crue, même encore aujourd'hui. Mais peu importe. Me revoilà partie dans la danse du SAMU, urgences, psychiatres. Et envoyée dans un "centre d'accueil de crise". Tout blanc, tout calme, tout propre. Mais enfermée à nouveau.

Le plus dur est de voir derrière les vitres la ville, les gens, la vie. La vie normale. La vie sans peur. J'y reste quelques temps, une semaine je crois. Cependant je me sens apaisée pour la première fois. Je retrouve mon calme. Je suis triste de voir mes parents, mon ami venir me voir dans mon état mais je me sens protégée. Je lis beaucoup, je dors, je parle, un peu. Mais ce genre de centres n'accueillent que pour une durée très courte, et me voilà renvoyée chez moi, avec un espoir cependant. Une clinique privée qui serait très bien, et qui pourrait accueillir les personnes dans mon cas.

Le problème, comme toujours, est le manque de place, je dois encore attendre quelques semaines avant de pouvoir y être admise. Ne pouvant plus rester seule chez moi, je passe quelques semaines chez mes parents avant d’intégrer cette clinique. Les angoisses se calment chez eux, je me sens moins en insécurité, moins seule, je commence à reprendre espoir.

J’y rentre vers avril. J’y reste d’abord un week-end en hôpital complet (jour et nuit) puis je passe ensuite en hôpital de jour, c'est-à-dire que j’y suis de 9H00 à 18H00, avec un programme déterminé, et le soir, je rentre chez moi. La thérapie pratiquée là-bas est la thérapie cognitivo-comportementale, basée sur l’exposition aux peurs, sur la parole, sur la compréhension de l’angoisse. Pour la première fois depuis le début, on m’explique et le soulagement est immense. Enfin je comprends la réaction de mon corps.
Les crises d'angoisse ne sont pas graves, c'est juste une "sur réaction" du corps à un danger (qui, en l'occurrence, n'existe pas), avec une absorption élevée d'oxygène (hyperventilation) et qui entraîne un stress immense et des symptômes incontrôlables : accélération du rythme cardiaque, tremblement, évanouissements...

Je vois un psychologue régulièrement, il y a des thérapies de groupe, de la peinture, de l’écriture. C’est là aussi que j’ai eu mon traitement actuel. Qui m’a sauvé, et qui, à la fois, fait que je suis aujourd’hui obligée de me sevrer.


Quelque part, je ne regrette pas vraiment… J’en avais besoin à ce moment là, et quand je suis sortie de la clinique, deux mois après, je revivais. Je pouvais sortir seule, voir mes amis, profiter enfin d’une "liberté conditionnelle". Je suis en colère car ça aurait dû mieux se passer pour le suivi, pas juste me dire que j’allais mieux, que c’était réglé. Les médecins auraient du m’accompagner dans le sevrage au lieu de ne voir que la surface et me droguer par sécurité.

Mais malgré tout, et Nietzsche ne me contredirait pas, si je suis là debout, forte, apprenant à me connaître c’est parce que j’ai traversé tout cela. Il est parfois difficile d’être fort, de résister, de combattre, et mes crises me l’ont appris. Jamais d’explications, ou plutôt des centaines, m’ont été données sur les raisons de leur apparition soudaine. La mienne serait que, tout simplement, mon corps et mon esprit ont dit stop, m’ont forcé à m’arrêter de "vivre" pour me poser, pour regarder en moi, pour m'interroger, ouvrir les yeux. Prendre conscience de ce que je suis, arrêter de me mentir, grandir.

Un accouchement est toujours douloureux. L’accouchement de soi l’est de la même manière. Le mien est long, et loin d’être terminé. Les bases sont posées, les fondations de ce que je suis, ce que je veux, ce que vaux. L’estime, la confiance, l’amour, de soi. Connaître son mécanisme interne et le respecter. Laisser de côté les poids de la culpabilité, de la peur, de la méfiance, de tout ce qui nous encombre chaque jour. Les poser un par un pour se sentir un peu plus léger et avancer plus sereinement. Un combat ordinaire, en somme.

Les médicaments sont une des chaînes qui m’entravent, et je sais qu’il y en a encore beaucoup d’autres. La dépendance aux autres, le jugement, l’incapacité à lâcher prise, la peur de faire mal, de dire non…

Mais quel plaisir au final de se découvrir, de se connaître, de s’accepter. De pouvoir se dire que finalement nous existons, réellement. Que nous ne sommes pas juste une ombre qui traverserait la vie, cachée, apeurée, invisible. Je suis un corps, un esprit, je me sens au fond de mes tripes, des pieds à la tête, faite de sentiments, de sensations, de chair et de sang.  Je suis vivante. Et ça, même si ça fait mal parfois, ça n’a pas de prix.

mercredi 3 mars 2010

Apprendre

Pas très bien dormi. Corps et cœur meurtris, mais c’est un peu de ma faute, j’avoue.

J’ai relâché la garde, j’ai pris trop confiance, j’ai cru que j’étais assez forte pour tout faire, tout gérer, tout subir. J’ai oublié de m’écouter ces derniers temps, je suis retombée dans mes vieux travers qui consistent à denier mes limites, à foncer droit devant sans réfléchir dans les murs qui se présentent, à sentir et  ressentir pleinement sans prendre garde aux conséquences.

Je me foutrais bien des baffes, parfois, pour encore faire ces erreurs à 26 ans.

Je n’apprendrais donc jamais à me protéger, enfin, non, ce n'est pas tout à fait exact. J’apprends, mais je suis lente! C’est comme vouloir sauter dans le grand bain avant même de savoir nager. Je m’impatiente, je trépigne, et je fais n’importe quoi. Je tiens, un temps, un long moment même, avant de m’écrouler. Et là, tout est à refaire, à reconstruire. Penser ses plaies, attendre que ça cicatrise, et se relever. Mais il y a un certain nombre de coups que je devrais savoir éviter, reconnaître mes failles et ne pas les exposer, ne pas enlever toute mon armure d’un seul coup. Ne pas tout donner, garder quelques réserves.

Il ne s’agit pas pour autant de s’enfermer à double tour dans une Tour d’ivoire, je l’ai fait assez longtemps par peur, terrifiée d’éprouver et c’est probablement tout aussi destructeur. Je crois que c’est le plus difficile pour moi… Savoir doser entre mes émotions et ma raison, ressentir et être indifférente, se laisser porter et résister. Dire non, dire stop, et laisser tout de même les autres entrer dans ma bulle.

Orgueilleuse, entière, et fière, la fragilité et le renoncement ne font pas parti de mon vocabulaire, et je n’espère pas, je ne souhaite pas changer ça. Juste apprendre. Comprendre.

Je sais, ce n’est pas très original, ma seconde patrie l’ayant déjà gravé il y a quelques siècles sur le fronton du temple de Delphes : ΓΝΩΘΙ ΣΕΑΥΤΟΝ. "Connais-toi toi-même". Prends conscience de ton (tes?) identité(s), découvre toi, va au fond de toi pour te confronter, et au final, t’accepter et t’affirmer.

Donc promis, j’arrête de courir jusqu’à en perdre haleine, et je me pause, un peu.

vendredi 26 février 2010

Insomnie philosophique


Après plus d’une heure de retournements infructueux dans mon lit, cherchant en vain le sommeil, alors qu’on sait bien que dans ces moments là ce sont juste les pensées les plus stupides qui viennent vous marteler la tête (en vrac, "Ai-je bien fermé le frigo?" "Je fais quoi demain?" "Qui suis-je ?")  j’en reviens devant mon cher ordinateur.

Après avoir été longtemps une adepte des théories de la psychanalyse, je commence à m’ouvrir à ses détracteurs. Sans entrer non plus dans une remise en cause qui ne serait que subjective, je me suis plongée dans  Le pouvoir psychiatrique - Cours au Collège de France 1973-1974 de Michel Foucault 1 où il ne traite pas réellement de la théorie, mais plutôt de la pratique de la psychiatrie, particulièrement dans les asiles.

Il  y évoque le pouvoir exercé par les mécanismes d’une institution, ayant comme "maître" le psychiatre, mais c’est un pouvoir diffus, non unique, régit par un ensemble de règles et de hiérarchie.  La psychiatrie ne soignerait donc pas par le savoir, mais par le pouvoir qu’elle exerce.

" La condition, donc, du rapport à l'objet et de l'objectivité de la connaissance médicale, et la condition de l'opération thérapeutique sont les mêmes : c'est l'ordre disciplinaire. Mais cette espèce d'ordre immanent, qui pèse indifféremment sur tout l'espace de l'asile, est en réalité traversé, entièrement animé de bout en bout par une dissymétrie qui fait qu'il est rattaché, et rattaché impérieusement, à une instance unique qui est à la fois intérieure à l'asile et est le point à partir duquel se font la répartition et la dispersion disciplinaires des temps, des corps, des gestes, des comportements, etc. Cette instance intérieure à l'asile, elle est en même temps elle-même dotée d'un pouvoir illimité auquel rien ne peut et ne doit résister. Cette instance, inaccessible, sans symétrie, sans réciprocité, qui fonctionne ainsi comme source de pouvoir, élément de la dissymétrie essentielle de l'ordre, qui fait que cet ordre est un ordre toujours dérivant d'un rapport non réciproque de pouvoir, eh bien, c'est évidemment l'instance médicale qui, comme vous allez le voir, fonctionne comme pouvoir bien avant de fonctionner comme savoir. "

Si je peux comparer cela à ma propre courte expérience, le pouvoir s’exerce effectivement par un ordre établi, consistant non pas à conduire le patient à prendre conscience de lui-même et, éventuellement, de sa folie, mais consistant à le normaliser, par une domination médicale. La discipline est la régisseuse de l’hôpital psychiatrique. Les horaires, les interdictions, le respect de la hiérarchie médicale. La discipline y est quasi militaire puisque la "guérison" doit avant tout passer par une soumission. Accepter les règles d’un hôpital, c’est accepter que l’on est malade et donc se soumettre à sa guérison, mais sans en être acteur. Le patient devient objet et non plus sujet.

Mais ce qui se passe à l’intérieur d’un asile se passe de manière similaire, bien que de manière plus latente, à l’intérieur d’un cabinet de psychiatre.

Il faut avant tout différencier l’autorité que l’on nomme naturelle (inhérente à une personne, et qui serait basée plutôt sur un savoir, une compétence) à l’autorité de statut (autorité conférée par une fonction). Il est très facile pour un patient, et moi la première, de se laisser porter par une autorité de statut (le psychiatre est psychiatre donc sa parole est supérieure à celle du patient) et d’accepter toute analyse sans recul.

Quelques soient les thérapies (psychanalyse, thérapies comportementales, etc.) j’ai retrouvé cette même impression à chaque fois, exceptée chez les psychanalystes non médecins. Il y aurait donc, mais c’est évidemment une Lapalissade, un formatage dans les écoles de médecine qui amènerait à dénier l’aspect humain, individuel du patient pour ne le considérer que comme un objet d’analyse. Il s’agit d’une manipulation du soi, une domination qui s’exerce aussi bien de manière mentale par la suggestion ("Vous devriez...", "Il est avéré que... ") que physique, par la prise des médicaments.

J’ai souvent lu ou entendu, de la part de divers abrutis, que personne ne "nous" force à prendre des médicaments. Mais ce serait oublier la relation même d’un médecin vis-à-vis de son patient, qui le maintient sous son joug, probablement sincère au demeurant,  intiment persuadé de détenir le savoir mais ne sachant l’exercer que par la force.

Il n’est jamais question de transmission ou d’échange dans la psychiatrie, il s’agit d’un rapport de force entre une souffrance et une solution imposée à cette souffrance. Le patient n’a donc comme alternative que d’obéir aux recommandations ou de repartir avec sa souffrance. Et étant donné que l’on catalogue comme malade, quelque soit la nature de son mal, il obéit.
Dressé, docile, il se laisse porter par cette corporation de psychiatre, sans pour autant comprendre lui-même de quoi il souffre. Il ne s’éveille pas, il essaie de correspondre à la norme que la psychiatrie définie. Il en va de même pour la psychiatrie que pour toutes les institutions qui, à la fois, individualisent, isolent, et soumettent.

Sauf qu’il s’agit ici non pas seulement de se soumettre à une norme sociale, mais également à une norme que je définirais de morale, en culpabilisant d'une part le patient indirectement en le définissant comme "anormal" et d’autre part, en lui promettant de pouvoir rentrer dans cette norme.
En oubliant  par là même la notion d’acceptation, qui ne passe jamais par l’aliénation à une norme, mais par une capacité à se définir par rapport à cette norme, d’accepter d’en être parfois décalé, d’y être parfois intégré, mais surtout de trouver une place qui nous convienne à la fois en tant qu’individu unique et en tant qu'individu vivant en société.

Il n’y a pas une définition unique du "moi", et la seule façon de pouvoir en prendre conscience est d’accéder au savoir, de faire en sorte que ce savoir soit enseigné, partagé, compris afin de pouvoir se libérer du pouvoir exercé à notre insu et de toute domination psychologique


dimanche 21 février 2010

Enfermement

Berurier Noir - Les éléphants


Arrivée au milieu de la nuit. Noir. Froid. De grandes grilles en fer. Un gardien qui demande ma carte d’identité et mon papier d’admission.

Entrée dans l’immense parc. Bâtiments qui s’alignent. Blocs de ciment qui projettent leurs ombres terrifiantes. Pétrifiée, endormie, je ne sais plus où je suis.

Dédale de couloirs. Accueil. Fouille des affaires. Pas de rasoirs, pas de médicaments, pas de lacets, pas de ceinture, pas de portable. Pleurs. Je suis toute seule maintenant.

Médecin gentil qui m'ausculte. Me conduit dans ma chambre. Quelqu’un dans le lit à côté. Je ne vois rien. Dormir.

Réveil à 7 heures. Plus de cigarettes, plus ma bague. Cris. Larmes. Mais bordel, où je suis ?

Accueil. Prise de sang. Oui, les vols sont courants. Bague retrouvée, puis petit déjeuner. Encore des cris, une télé allumée. De la souffrance partout. Une douleur indicible qui rôde. Ghetto de la folie.

"Le temps passe longtemets, longtemps. Je rencontre pleins de gens que je croyais jamais pouvoir rencontré. C’est vraiment étrange, tellement de douleurs, de peine, de gens, qui comme moi, ne savent plus où ils en sont."

On m’emmène dans la bibliothèque toute seule. Je ne suis pas assez folle. Je lis des nouvelles de Maupassant en attendant. Quoi ? Je ne sais toujours pas, je ne comprends rien.

On vient me chercher, je dois emballer mes affaires. Premier étage. Les cas les moins graves on me dit. Plus de calme mais la douleur est la même.

Une chambre où j’apprends vite à cacher mes affaires. Ma voisine communique, c’est déjà ça. Une grande salle avec des tables, des chaises, une télé et des cigarettes qui se consument.

Regards hagards, rivés sur la télévision, zombies. Pas un mot, le monde vit au ralenti. Un ralenti contrôlé par les horaires. Déjeuner.

Grande cantine. Bouffe immonde. Encore des pleurs, encore des cris, toujours. Forcer à ingurgiter les aliments. Par la parole ou par la force.

"Le temps est dilaté, lent, précis, calculé. Rien n’est laissé au hasard. On attend le repas, le café, les médocs, le repas, le dodo. Rien à penser, tout est prémacher"

Psychiatre. Je m’écroule. Médicaments, médicaments, médicaments. Tombez enceinte, vous grandirez. Quoi ? Qu’est ce que je fous là ?

Après-midi au rythme si lent. Télé. Et mes feuilles et mon stylo qui me sauvent, encore.

"Je lutte pour réfléchir, pour ne pas laisser mon pauvre p’tit cerveau s’affaisser. Je sais que tout ces mots m’ont déjà sauvé de nombreuses fois, de plein de situations, alors je compte sur eux"

Diner. Et la file d’attente des médicaments. A la queue leuleu, chacun son tour avaler ses petites pilules. Dormir.

Le lendemain, idem.

"Je ne peux continuer à m’abrutir (medocs+télé+sommeil) même si j’en ai besoin aussi. Fo que les rouages se désencrassent, que ma conscience reste consciente, coûte que coûte"

Des gens me parlent. Je ne comprends rien. Je ne veux pas qu’on me parle, qu’on me touche. Ça pue ici. Une douche pour 20 personnes. Dégueulasse.

Visites interdites. Téléphones une demi-heure par soir. Et là, l’horreur. Appeler mon amour dans cet état ? Mais il ne me reste que ça.

La honte. La peur. L’impression d’être en dehors de la vie.

"Je ne peux rester dans ce cocon indefiniment mais ce n’est surement pas la solution. Je crois même que d’un côté, je ne veux pas sortir de cet hôpital. Je m’y sens en sécurité, je ne suis pas aussi vulnérable que dehors"

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J’en suis sortie trois jours plus tard à ma demande. Les textes en italique sont les retranscriptions exactes de mes écrits lorsque j’étais dans cet hôpital. Ce texte est le plus difficile que j’ai à écrire, trois jours pour un traumatisme à vie.

J’ai honte. Honte de mon pays qui enferme et drogue ceux qu’il n’accepte pas, les "malades mentaux", les psychotiques, les névrosés. Honte de ce manque de moyen, d’argent, de considération, qui fait vivre ces gens dans un environnement inhumain, sale, inadapté, où la seule prise en charge est chimique.

Honte que ce pays cache ces souffrances, ces milliers de vies pour toujours brisées. On ne sort pas indemne d’un hôpital psychiatrique. Jamais.

jeudi 18 février 2010

No surprises



Bon, faut bien que j’y passe. Pour comprendre comment on peut en arriver là, même si c’est sûrement une voie comme une autre, voilà mon histoire telle que je m'en souviens, avec sûrement des trous, mais heureusement j'écrivais pas mal à l'époque ce qui me permet de retracer un peu tout ça.

Petit flash back. En novembre 2005, je sortais d’une semaine de bénévolat assez intense sur un festival de cinéma et je rentre donc chez moi me reposer tranquillement l’après-midi. Une connerie à la télé, et d’un coup, palpitations, mains moites, l’impression d’étouffer, tremblements dans tout le corps. Première pensée : "Je vais mourir."
J’arrive quand même à appeler mon copain complètement en stress. Je ne sais pas combien de temps s’est écoulé entre l’appel et son arrivée mais ça m’a semblé être une éternité. Il arrive, me voit et appelle le SAMU. « Bah c’est une crise de spasmophilie, faut qu’elle respire dans un sachet plastique, bonne journée ». Hein quoi ? Une quoi ? Ok je respire dans ton putain de sachet. Bon j’admets, la crise passe. Vidée de mes forces, je me calme, et m’endors.

Les jours et semaines passent, rien ne se passe. J'oublie. Et en janvier, de nouveau une crise plus forte. Je reprends mon p'tit sachet, mais j'étouffe à respirer là dedans.
Les crises sont encore irrégulières mais je sens des choses bizarres m’arriver. Je supporte plus la lumière, les bruits. J’ai mal partout. Et surtout le truc le plus horrible de tous, le sentiment de déréalisation. C’est comme de vivre dans un rêve, on a l’impression de plus connaître les visages, les endroits familiers, de marcher à côté de soi-même. D’autant plus déstabilisant que je n’avais, à l’époque, aucun mot à mettre sur tout ça.

J’étais en deuxième année de master à l’époque. Je commence à flipper d’aller en cours, d’aller dehors, et finalement, d’être chez moi. Moins je comprends ce qui m’arrive et plus je flippe, et plus je flippe, et plus je fais des crises d’angoisse.

Je débarque donc un jour chez mes parents, et j'annonce à ma mère que je suis folle. C'était sans doute aucun pour moi. Y avait pas d’explication rationnelle à ce que je vivais. Ma mère panique, évidemment, direction les urgences. Et là, début du cauchemar. Une heure d’attente, cinq minutes d’entretien avec un psy qui en gros me dit que j'ai peur (sans déconner !!!) et que les petites pilules de Xanax vont m’aider.
Euh ok.
Première anecdote de ma poisse avec la médecine en passant. J'arrive à la pharmacie de garde avec ma maman vers 22 heures. Et là, le pharmacien complètement bourré commence à délirer sur le fait que le Xanax sert à rien et que je ferais mieux de partir au ski, au grand air, blablabla avec son haleine puant la gnôle. Après un "Mais ta gueule" je repars avec les pilules magiques.

J’ai un souvenir assez flou des jours suivants, je suis défoncée, mais je retourne chez moi. La situation se dégrade rapidement. J’ai l’impression de devenir complètement dingue, je ne peux plus dormir, je ne mange plus, je passe mon temps à trembler, à ne plus réussir à respirer (enfin, en avoir l'impression), je ne peux plus bouger de mon lit, je me sens dans une complète insécurité.

Je ne peux plus sortir seule de chez moi, je ne peux absolument plus rien faire à part rester allongée dans mon lit, complètement glacée sous la couette.

Mon entourage flippe évidemment, essaie de me rassurer, de comprendre mais ils ne me reconnaissent plus, ils sont comme moi, face à un mur infranchissable d’incompréhension.

Et là commence mes allers-retours aux urgences chaque jour, avec mon chéri qui me porte jusque là-bas parce que je ne peux plus marcher. Une fois à l'hôpital, je me sens mieux. En sécurité. On me fait des analyses de sang, des électro cardiogrammes, une IRM et on me laisse partir avec de nouveaux médocs. Je rentre, je flippe, je dors, je me réveille, et la nuit, c'est SOS médecins. Que j’attends des heures sur mon canapé, sans pouvoir bouger, avec la tête en mille morceaux. Et même chose que le jour : "Oh bah dis donc vous n'avez pas l'air bien, allez une p'tite piqûre de tranquillisant ça va passer".

Évidemment, pendant ce temps, j’essaie de trouver des psychiatres, mais la liste d’attente est longue. Je me retrouve à parler à des choses pas vraiment humaines, qui JAMAIS ne me disent ce que j'ai. Je sais pas quelle formation ils reçoivent en médecine, mais bordel, ils sont surentrainés dans l'indifférence. "Parlez-moi de vous… Ha... Votre père est parti quand vous étiez encore un bébé? Ha... Vous avez donc un complexe d’Œdipe qui n'a pas pu s'effectuer, etc". Oui, merci, j'ai lu Freud, Lacan mais là non, c’est juste que je souffre, voyez ?
Bah non.

Ce petit jeu dure deux à trois semaines avant je me retrouve dans la nuit dans un centre d’accueil psychologique dont la description est : "Centre d’accueil permanent et de thérapies brèves. 24h/24h - 7 jours sur 7 - écoute, orientation, information, consultations..."
"Vous avez une famille, un ami, un appartement, de quoi vous plaignez-vous? Vous n'avez pas de problèmes, rentrez chez vous" me dit le psychiatre de garde. Et re pilules. "Non vous pouvez y aller, prenez en 5 ou 6" continue-t-il gaiement.

De retour chez moi, j'en peux plus. Je décide de me faire interner dans un hôpital psychiatrique. Complètement à bout de force, et persuadée d'être tarée, j’appelle donc SOS médecin au milieu de la nuit qui, en 5 minutes chrono (encore!), me signe un formulaire d’admission.

Sympa pour les parents et le copain qui sont à leur tour persuadé que je suis folle, et que l’internement est la seule solution. Me voilà donc, avec la famille en pleurs, en route pour l'hosto.

A suivre.


(Ha oui cet épisode de House M.D., dont la vidéo au début du post est le générique, est juste fabuleux, au passage)

lundi 15 février 2010

Let's go



Bon alors avec tout ça j'ai finalement décidé de me sevrer. Oui, c'est un sevrage, un vrai de vrai, avec ce que ça comportera de mauvais moments, et p'tet, en fin de compte, une liberté retrouvée?

La liberté c'est pas juste cuicui les oiseaux chantent, I believe I can fly, et autres conneries. C'est la liberté de ressentir. C'est difficile à expliquer, je tente quand même.

Aujourd'hui, je ne me sens jamais ni bien, ni mal. Surtout ni bien, d'ailleurs. Mes émotions sont anesthésiées, elles se succèdent en une ligne droite incroyablement chiante. Je ne pleure plus, mais je ne ris plus. Je n'ai pu ces montées d'adrénaline quand j'ai peur, ou quand je suis touchée. Je suis dans une espèce de cocon de tiédeur vomitive.

Alors ouais, je vais retrouver la liberté d'en chier et d'en prendre plein la gueule. D'être triste, en colère, énervée, blessée. Et putain, j'en rêve.
Comme de me sentir transportée par un film, par mon chéri qui me dit des mots doux, par tout ces p'tits trucs insignifiants qui comptent, en fin de compte.

Et puis un cerveau en état de marche, je veux bien aussi, parce que là, il a sérieusement besoin d'un reboot.
Qu'on se comprenne bien, je ne suis pas un légume. Je suis étudiante, et je passe le concours de professeur des écoles cette année. C'est un concours difficile, au vu de la masse de connaissance à ingérer. Je bosse, je m'accroche, et j'ai plutôt bon espoir d'y arriver. Je suis loin d'être stupide, j'ai heureusement ni perdu ma lucidité, ni mon esprit critique.

Par contre, la mémoire, c'est dur. Mon cerveau est un gruyère LIDL, avec plus de trous que de fromages. Je dois bosser trois à quatre fois plus qu'avant pour retenir les choses, mon bureau est rempli de post-it, de plannings et de calendriers pour être certaine de ne rien oublier.

J'en suis au point où je me dis que, soit je continue comme ça et je vais me transformer en Benzombie, soit j'entame mon sevrage. Y a pas trop à hésiter là.


NB : Pour que ce soit plus clair, je séparerai la partie état d'esprit avec celle du sevrage probablement dit qui sera plus un compte rendu.

Hello world

Pour faire court, je suis accro aux benzodiazépines. Benzoquoi? Benzodiazépine. Mais si, les pilules du bonheur, le Valium, le Prozac, le Temesta, tout ça.

Je reviendrai sur mon histoire peut-être plus tard, là pas envie.

Toujours est-il que ces médicaments sont utilisés pour traiter un état anxieux en agissant sur les connexions des neurones du système nerveux pour en réduire l'activité. Autant dire, un anesthésiant du cerveau.

Au début, quand on est VRAIMENT malade, c'est bien. Ça aide. Seul petit soucis, ces molécules sont très addictives, et plus le temps de traitement est long, plus c'est compliqué de gérer son addiction.

Quatre ans que je suis traitée donc je vous laisse imaginer mon état. Une vraie toxico. Non, j'en rajoute pas. Le matin se réveiller en tremblant et en claquant des dents, avec une seule idée : avaler sa petite pilule en la laissant fondre sous la langue pour qu'elle agisse plus vite. En avoir toujours sur soi, pour ne jamais en manquer. Faire des réserves à la pharmacie par peur d'être à court.

C'est le seul truc que tu n'oublies jamais, ton corps te rappelant sans cesse que tu en as besoin, régler comme une montre suisse, il réclame sa dose. Et dès que tu l'as prise, tu comptes les heures jusque la suivante.

Je dis que ça tu l'oublies jamais, parce que le reste, si. Ta mémoire part en vrille, tu te rends compte que t'imprimes plus bien les choses, à court terme surtout. J'ai fait quoi y a 5 minutes? Cet article je l'ai déjà lu? Et les chiffres... Bordel, les chiffres. Appeler son copain en stress devant le distributeur ou la porte d'entrée parce que tu as oublié les codes. Besoin de regarder plusieurs fois par jour le calendrier pour savoir quel jour on est.

Un jour, t'en peux plus. Tu ne te souviens même plus comment c'était la vie avant. Oh oui, je sais, c'est tellement classique ce que je raconte que ça en est pathétique. Ouais, et je m'en fous.

Je souffre. C'est un fait. Je ne souffre pas à cause d'un choix de vie à assumer, je ne souffre pas de ma bêtise, je souffre d'être dépendante, d'avoir perdue certaines de mes facultés sans savoir si elles reviendront.

Et je suis en colère. Vraiment, j'ai la rage. Contre tous ces psychiatres incompétents qui te bourrent de médocs, sans qu'il y ait en ait un seul après pour t'aider à te sevrer.

Ceci n'est que mon expérience. C'est mon intimité, que j'expose, certes, mais ça reste mon intimité.

Si ça vous gonfle, passez votre chemin :)


ATTENTION : Ce blog n'a pas pour but de donner des conseils médicaux. Ce blog ne saurait être une substitution à un dialogue entre patient et médecin.
Ce n'est qu'une expérience personnelle qui ne peut être adaptée à tous. Merci !